Les microplastiques pourraient affecter la formation et la fonte des glaces de l’Arctique

Déchets Santé-Ecologie
Publié le 13 octobre 2019

La pollution des océans par le plastique est devenu un enjeu de société important, les matières plastiques étant le polluant des océans et des plages le plus courant et à la durée de vie la plus longue dans le monde. (source: The Conversation 26/09/2019)

Dans l’imaginaire collectif, les déchets plastiques sont souvent associés à des bouteilles à la dérive sur la mer, des équipements de pêche retrouvés sur les plages, ou des sacs plastiques avalés par erreur par les tortues qui les confondent avec des méduses.

Mais ces grosses particules ne forment que la pointe de l’iceberg. Les particules plus fines sont un facteur tout aussi important. On appelle ces particules de moins de cinq millimètres de diamètre des microplastiques. Ils proviennent soit de produits délibérément conçus comme tels (comme les produits nettoyants ou de de beauté), soit de la décomposition de morceaux de plastique plus grands, ou encore des microfibres que l’on utilise dans les textiles.

L’impact des microplastiques sur l’environnement et la santé humaine fait encore l’objet de recherches

Les microplastiques sont des morceaux de plastique plus petits qu’un grain de riz. Ils polluent l’écosystème qui les entoure et s’introduisent dans la chaîne alimentaire. Shutterstock

Leur impact sur l’Arctique

Si certains s’imaginent que l’Arctique est immunisé par ce que les humains jettent dans les océans, ils ont tort. Les eaux limpides de l’océan arctique sont menacées par ces particules alors qu’elles dérivent en suivant les courants marins sur de longues distances.


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On s’attend à ce que la concentration de microplastiques dans l’Arctique augmente rapidement en raison des quantités importantes d’eau douce qui viennent s’y mélanger et de l’accélération du trafic maritime et du développement des ressources. Compte tenu de la fragilité exceptionnelle des écosystèmes marins de l’Arctique, il est urgent d’évaluer la distribution, le parcours, et le destin de ces particules.

Dans un récent article publié dans le Marine Pollution Bulletin, nous nous sommes demandés si et comment les microplastiques pénètrent la structure même de la glace et si, de ce fait, ils pourraient avoir un effet sur l’absorption du rayonnement solaire incident. Ceci affecterait l’albédo de la glace océanique – c’est à dire la manière dont la glace reflète l’énergie solaire – l’une des propriétés clé qui permet de réguler l’échange de chaleur entre l’océan et l’atmosphère.

Mesurer l’albédo

Des changements de l’albédo des eaux glaciaires auraient de graves conséquences sur le cycle annuel de glaciation et de fonte des océans. Afin de tester notre hypothèse, nous avons mis en place une étude de microcosmes à la Sea-ice Environmental Research Facilityde l’université du Manitoba, une piscine extérieure dans laquelle nous pouvons cultiver de la glace à partir d’eau de mer.

On a fabriqué deux jeux de 12 microcosmes dont le cadre est fait de tubes d’acier galvanisé, les parois en draps de coton, et mesurant chacun un mètre cube. Le premier jeu a servi à mesurer l’intensité de la lumière, alors que le second a servi à prélever des échantillons de glace maritime. Nous avons ajouté à la main des microplastiques afin d’étudier leur absorption par la glace. Nous avons utilisé quatre dilutions différentes: une de contrôle (pas de particules ajoutées), une faible, une moyenne et une haute (respectivement 120, 380 et 1200 particules par litre).

Nous avons utilisé une teinture, le Nil rouge, afin de pouvoir observer les microplastiques au fur et à mesure du processus de glaciation. Cette teinture a fait briller les particules de microplastique placées sous une source lumineuse fluorescente, ce qui nous a permis de voir comment la glace concentre les microplastiques en son sein, et une fois intégrées, comment ces particules s’incrustent dans la matrice de la glace

Nous avons étudié plusieurs concentrations de microplastiques dans un environnement contrôlé. Author provided

Nous avons trouvé de fortes concentrations de particules à la surface de la glace en raison de la force ascensionnelle des particules et de la rapidité à laquelle les cristaux de glace capturent les particules pendant que la glace se coagule pour former un couche solide. Si les microplastiques n’ont pas eu d’impact sur le rythme de croissance de la glace, nous avons observé de nets changement de l’albédo en réponse à des concentrations moyennes à élevées de microcosmes de microplastiques.

Afin de vérifier l’impact de nos observations en situation réelle, nous avons également mesuré les concentrations de microplastiques provenant de plusieurs échantillons de glace d’eau de mer récoltés dans le golfe de Bothnia (mer Baltique). Nous y avons trouvé des concentrations de microplastiques similaires à celles mesurées dans l’océan arctique (8 à 41 particules par litre), mais nettement moins élevées que celles de nos microcosmes expérimentaux. À cette concentration, nous ne nous attendons pas à ce que l’incorporation de microplastiques ait un effet quelconque sur l’albédo de la glace de mer.

Pour les régions à concentrations plus élevées de microplastiques, ou dont la concentration risque d’augmenter, nous nous attendons à ce que les propriétés de la glace évoluent.

Un tel changement affecterait l’albédo de façon notoire, mais également les processus photochimiques et photobiologiques qui se produisent dans la glace, comme la quantité de lumière disponible aux algues vivant au fond de la couverture glaciaire. Cela aurait des impacts potentiels importants sur la chaîne alimentaire de base de l’Arctique.

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