Publié le 27 février 2019
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de Patrice Rouleau. Nous présentons, au nom de tous les membres de l’association, nos sincères condoléances à sa famille et à ses amis.
Patrice Rouleau était un fidèle soutien d’UDE . Artiste passionné et engagé,il nous avait reçus chez lui en 2016 (lire ci-dessous).
Rencontre avec un artiste d’Ustaritz, Patrice Rouleau
Le dessinateur de presse Patrice Rouleau, père du célèbre Kaïkou chien de berger, est un adhérent d’UDE. Il a très gentiment accepté de nous recevoir le 7 janvier 2016.
Récit de cette rencontre.
« Vous reconnaîtrez facilement ma maison, elle est très ancienne, c’est la seule de la rue », m’avait-il dit au téléphone. J’entre dans cette ravissante labourdine située au quartier Hérauritz. Je suis accueillie par les aboiements de la réplique quasi parfaite de Kaïkou et derrière lui, son maître qui me sourit. On se sent immédiatement bien dans cette maison qu’il a sauvée de la démolition dans les années 70. Il a choisi de conserver l’aspect d’origine des murs intérieurs, avec des traces de chaux, de belles pierres et entre, des cailloux moins jolis. « Ils sont comme moi » dit-il en riant.
Nous n’allons pas dehors car il pleut, mais il me décrit son jardin qu’il a planté voilà une trentaine d’années. « Loin des jardins tout propres où rien ne dépasse, chez nous c’est le fouillis. Il y a une haie sauvage, les fougères poussent au pied des rosiers anciens, mais mes roses sont magnifiques! » Toute la faune sauvage de ce quartier ultra urbanisé a élu domicile dans ce petit paradis végétal providentiel.
La nature est indéniablement la première source d’inspiration de Patrice Rouleau, on la retrouve dans la plupart de ses dessins.
Depuis son fauteuil roulant, son regard statique l’observe mieux que quiconque. « Je suis un amoureux de la Nive. La Nive est la plus belle avenue d’Ustaritz, c’est une voie royale! » Il la connaît par cœur, avec ses moulins et ses canaux. Enfant, il partait avec son père, depuis Bayonne, pêcher truite, perche et brochet près du canal du bourg d’Ustaritz, du côté de l’ancien moulin.
Je lui demande alors ce qu’il pense des travaux (bouchage et comblement du canal du bourg, abattage d’arbres, etc.) qui viennent d’être réalisés à cet endroit-là par un entrepreneur local du BTP. Son regard s’assombrit quelques instants mais aussitôt la réponse fuse, pleine de poésie. « Je vais vous montrer quelque chose ! »
Et il m’explique que vers 1980, alors qu’on curait le fond du canal du bourg pour le nettoyer, il avait récupéré dans la boue extraite, trois jolies coquilles de moules de rivière qu’il garde depuis précieusement. Il va les chercher. « Ce sont les mêmes que celles où l’on trouvait les perles qui ornaient jusqu’au XVIII siècle, couronnes et colliers des reines de France et de Navarre. Voilà pourquoi je sais que ce canal est une perle, la perle de la Nive! » »
Moule perlière d’eau douce ( Margaritifera margaritifera). Très rare aujourd’hui, cette moule de rivière, a une durée de vie exceptionnelle puisqu’ elle peut vivre plus d’un siècle. Elle témoigne d’une eau pure et se développe uniquement en symbiose avec les truites fario et les saumons de l’Atlantique. Ce mollusque, en voie de disparition en raison de la présence de nitrates dans les cours d’eau, est au bord de l’extinction.
Humour et idées
Le canal du bourg d’Ustaritz ne doit pas disparaître mais face aux bulldozers, que peut la poésie? Pas grand chose, hélas. Reste l’humour.
« Cette annexion brutale du canal, ajoute-t-il, a pris tout le monde par surprise. Or, la nature, n’aime pas être bousculée par les machines qui agissent beaucoup trop vite. L’effet de surprise est une tactique guerrière ». Et les yeux pleins de malice, il me fait remarquer: » Il y a peu entre un bulldozer et un tank ! ». Jouer sur les mots pour faire passer des messages, voilà un des talents de Patrice Rouleau.
« Les outrages subis par la Nive seront difficilement réparables et le combat s’annonce difficile, reprend-il, mais il ne faut pas se décourager. » Et il conclut par une dernière métaphore: « On ne peut pas lutter contre un courant trop fort. Pour s’en sortir, il faut nager dans le même sens que lui, sinon on se noie. Vous allez devoir discuter avec cet entrepreneur. Quant à lui, il saura accepter de collaborer avec UDE et la municipalité d’Ustaritz afin de soigner l’image de son entreprise.»
Avant de se quitter, le poète me glisse une idée qui lui trotte dans la tête depuis longtemps.
La traversée du pont de Xopolo est dangereuse pour les piétons-spectateurs qui désirent contempler la beauté du site. Ils risquent à tout moment de se faire « raboter les fesses » par les voitures, reines de la voie publique. Alors il imagine, juste à côté, en surplomb, une passerelle, comme un balcon au dessus de la Nive avec un banc, qui permettrait d’admirer l’un des principaux atouts d’Ustaritz.
Cet artiste plein de sagesse m’a redonné du courage.
Le canal du bourg, lit historique de la Nive, est en danger mais nous allons tout faire pour sauver ce trésor situé au pied de l’ancienne capitale du Labourd !
Pour retrouver Patrice Rouleau sur son blog : http://kaikou.fr/
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