Publié le 11 mai 2019
L’impact du transport aérien sur le changement climatique a fait ces derniers mois l’objet d’une polémique croissante. Au-delà du débat sur la fiscalité se pose la question de la durabilité de ce mode de déplacement.
Source: theconversation.com
On questionne la pertinence de maintenir les lignes aériennes en Europe, voire la responsabilité des voyageurs, dans le sillage des Suédois qui se détournent de plus en plus de l’avion sous l’effet de la taxation des billets et de l’émergence de la « honte de voler ».
Cette situation mérite qu’on regarde les chiffres de plus près : quel est l’impact d’un trajet en avion, et plus généralement du transport aérien au niveau mondial ? Quelles perspectives d’évolution du trafic ? La technologie permettra-t-elle de limiter les émissions de manière suffisante ?
Un trajet 1 500 fois plus émetteur qu’en train
Pour comparer l’impact climatique des différents modes de transport, les chiffres les plus utilisés sont ceux des émissions de CO₂ par voyageur au kilomètre, c’est-à-dire les émissions pour un voyageur parcourant un kilomètre grâce à ce mode de déplacement.
Sur ce critère, l’avion ressort en tête du classement des modes les plus polluants, dans des proportions similaires à la voiture individuelle et avec des émissions de l’ordre de 45 fois supérieures au TGV (ou 15 fois pour la moyenne des trains longue distance). Cela permet d’illustrer, par exemple, qu’un voyage Paris-Marseille aura le même impact en avion que pour une personne seule en voiture, mais un impact 45 fois plus important que s’il était réalisé en TGV
On pourrait ainsi penser que l’avion et la voiture ont des impacts similaires. Sauf que la rapidité de l’avion lui permet d’atteindre des distances lointaines en très peu de temps. Alors que personne n’imaginerait faire un aller-retour Paris-Marseille en voiture dans la journée ou partir en Chine pour cinq jours, c’est justement ce que permet l’avion !
Un second critère à examiner concerne donc les émissions par heure de trajet. Une personne prête à faire 10 heures de trajet pour partir en vacances traversera la France ou atteindra un pays voisin si elle part en voiture, en train ou en car. Opter pour l’avion lui permettra de partir sur un autre continent.
Cette vitesse implique que le trajet moyen en avion est de 2 400 km, loin devant les autres transports dont les trajets à longue distance sont généralement de l’ordre de 300 km et de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres tous trajets confondus. Monter dans un avion est ainsi loin d’être anodin en matière d’impact climatique comparé aux autres modes de transport.
Alors que les émissions d’un kilomètre en avion équivalent à peu près à un kilomètre effectué seul en voiture, une heure en avion est 13 fois plus émettrice qu’une heure en voiture. Monter à bord d’un avion rendra votre trajet 125 fois plus émetteur en moyenne que de monter dans une voiture ; et plus de 1 500 fois plus émetteur que de monter dans un train…
Un impact sous-évalué
Calculer son bilan carbone personnel sur une année permet de se rendre compte de ce très fort impact, à l’échelle individuelle, d’un trajet en avion à longue distance. Par contraste, si l’on se place au niveau français ou mondial, l’impact climatique du transport aérien peut paraître relativement faible.
Si l’on regarde les statistiques françaises, les émissions de CO₂ de l’aérienreprésentent ainsi seulement 2,8 % des émissions des transports et 0,8 % des émissions totales de gaz à effet de serre en 2016. Ces faibles chiffres s’expliquent par le fait que seuls les trajets internes à la France sont comptés (outre-mer compris). Les transports aériens et maritimes internationaux ne sont en effet pas pris en compte dans les chiffres des conférences des Nations Unies sur le climat.
Par conséquent, le secteur se fixe ses propres objectifs climatiques(forcément peu contraignants) via l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), et les inventaires nationaux des émissions reflètent donc un périmètre purement national.
Pourtant, compter les trajets internationaux multiplie par six l’impact de l’aérien pour la France, pour le faire passer à 13,7 % des émissions des transports et 4,4 % des émissions totales du pays.
Au niveau mondial, l’aérien représente en 2015 environ 11 % des émissions de CO₂ des transports, soit 1,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
Outre le CO2, d’autres effets réchauffants
Un deuxième biais d’analyse réside dans le fait que les émissions de CO2ne représentent qu’une partie de l’impact climatique de l’aviation. Parmi les autres effets les plus significatifs, les oxydes d’azote (NOx) émis dans la haute atmosphère entraînent une réduction de la quantité de méthane (CH4) et une production d’ozone (O3), deux gaz à effet de serre, ainsi que les traînées de condensation et les cirrus (nuages de la haute atmosphère) qui ont tous deux un effet réchauffant.
Sans même compter la contribution des cirrus, dont l’estimation reste très incertaine, l’effet réchauffant des émissions de l’aérien, appelé forçage radiatif, est ainsi deux fois plus fort qu’en prenant en compte seulement le CO2. Il conviendrait donc de multiplier par deux l’ensemble des chiffres indiqués dans cet article pour mieux refléter l’impact climatique de l’aérien comparé aux autres modes.
Une estimation du pouvoir de réchauffement (mesuré en forçage radiatif) de l’aérien en 2005 amenait ainsi à une estimation moyenne de 3,5 % du forçage radiatif des activités humaines, et même 4,9 % en intégrant l’impact estimé des cirrus.
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