Publié le 17 août 2019
Cet article est à retrouver dans le magazine numéro 1170, « Bien manger ne coûte pas cher, mal manger coûte très cher »
La doxa instituant que bien manger coûte cher est une aberration qui se nourrit de toutes les dérives sociétales ayant abouti au règne de la malbouffe. « Ouvrez une école et fermez une prison », écrivait Victor Hugo. Apprenons à nos enfants à manger, non pas bon, mais juste, et nous éliminerons cette malbouffe.
C’est à l’école que se trouve le début de la solution, car l’apprentissage du goût par la pédagogie du sensoriel reste le meilleur moyen d’endiguer l’ignorance des masses en matière d’alimentation et de donner à la jeunesse les codes d’une bonne consommation. Les programmes et les protocoles sont prêts, déjà expérimentés avec succès dans certaines académies, il suffit que le ministère de l’Éducation, en synergie avec celui de l’Agriculture, décide de les généraliser pour enclencher le phénomène. Donnons aux clients de demain les informations et les savoirs leur permettant, au moment de se nourrir, de faire le juste choix.
Pour l’heure, les produits issus de l’agriculture durable sont au cœur d’un débat truffé de sophismes. La question n’est pas de savoir si le bio est plus cher et si la bonne bouffe est réservée à ceux qui ont les moyens de se l’offrir, mais de poser l’équation permettant aux classes sociales les moins favorisées de se réapproprier leur destin alimentaire. Fondé sur une logique appelant à surproduire pour surconsommer, le marché néolibéral globalisé entend financiariser l’alimentation, humaine ou animale, en aliénant une fonction vitale pour accroître ses profits. Il y a évidemment urgence à nous émanciper de cette barbarie qui, de surcroît, dévaste la Terre en épuisant des ressources naturelles.
La devise résumant cet enjeu est simple : moins mais mieux. Personne ne nie que l’industrie agroalimentaire, malgré des progrès indéniables dans l’éthique de production, et la grande distribution, plus agressive que jamais, poussent à la surconsommation par la règle systématique du moindre prix. La solution consiste donc à réduire la consommation de produits inutiles, souvent gaspillés, afin d’engendrer une économie permettant d’améliorer la qualité des achats. Exemple, pour un budget mensuel de 90 €, au lieu de neuf morceaux de viande médiocre à 10 € le kilo, opter pour six morceaux de bonne qualité à 15 €. Au final, la somme dépensée est la même, avec une quantité suffisante à nos besoins, mais favorise, de fait, une agriculture responsable, un éleveur respectueux de l’animal, un artisan boucher de proximité, une nutrition équilibrée et un appétit heureux.
Tels sont les codes du manger juste. Une équation qui peut s’appliquer à toutes les nourritures. A raison de plus de 72 milliards d’actes alimentaires par an, pour ce qui est de la France, si 15 %, voire 20 % des consommateurs appliquent ce principe, même partiellement, la donne économique est bouleversée. Reste le problème très actuel de la validation du contrat biologique qui, avec la préservation des sols et du vivant, est la priorité de notre civilisation si l’on ne veut pas que le chaos gagne cette planète quand nous serons 9 milliards d’habitants en 2050. Aussi, l’urgence est, pour l’immédiat, la préservation de notre patrimoine agricole et du peu qui reste de cette paysannerie à visage humain que la PAC éradique sournoisement depuis cinquante ans. Le bio d’abord, certes, mais français avant tout. Préférons toujours un produit de proximité, pourvu qu’il soit acceptable, à un durable douteux provenant de pays éloignés où la réglementation est encore aléatoire. Disons-le, une tomate française, même avec un peu de glyphosate, sera toujours meilleure qu’une pseudo-tomate bio marocaine ou espagnole au bilan social et carbone désastreux.
En attendant que le projet agroécologique lancé par Stéphane Le Foll en 2014, meilleur ministre de l’Agriculture que la France ait jamais eu, soit à l’ordre du jour définitif de la République.
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