Le choix de la malbouffe par Périco Légasse (Marianne)

LGV Santé-Ecologie Ustaritz
Publié le 6 avril 2020

Les agriculteurs ont besoin du soutien des gouvernants. Mais ils doivent aussi pouvoir compter sur les consommateurs pour vivre. A nous d’agir !

Les agriculteurs ont besoin du soutien des gouvernants. Mais ils doivent aussi pouvoir compter sur les consommateurs pour vivre. A nous d’agir !

« A toute chose malheur est bon », suggère le dicton. Est-on en droit de penser que la tragédie sanitaire à laquelle la France est confrontée inciterait nos concitoyens, au-delà du civisme permanent auquel ils sont appelés dans leurs comportements quotidiens, à revoir leurs habitudes alimentaires ?

Si le confinement est une contrainte chaque jour de plus en plus lourde, au moins oblige-t-il à prendre, ou à laisser, le temps qu’il faut pour faire les choses convenablement. Combien n’en profitent-ils pas pour s’attaquer à des dossiers ou à des tâches chronophages jusqu’ici inaccessibles ?

Conscients que l’épidémie de coronavirus est un dégât collatéral, non sur le fond, mais sur la forme, d’une mondialisation non maîtrisée, voire dévoyée, et qu’il s’agit bien d’une remise en cause de notre système de civilisation, tel que l’organisation économique de la planète l’a voulu, les habitants de ce pays, et de ce continent, savent que beaucoup de pratiques et d’attitudes impliquant notre avenir sont à revoir.

Nos ressources planétaires ne sont pas sans limites, alors que la démographie mondiale explose, et nous constatons combien des équilibres que l’on croyait solides, inébranlables, sont en train de s’effondrer à échelle mondiale parce que la science s’avère, pour l’heure, incapable d’endiguer une maladie contagieuse.

Ce sont donc bien les enjeux de la consommation qui sont au cœur du débat, puisque le règne de l’opulence immédiate et permanente qui régit les mœurs de l’hémisphère nord vient de trouver ses limites. A surproduire pour surconsommer et à surconsommer pour engloutir la surproduction, l’humanité nantie dessine les prémices de la fin du monde. Une réalité morbide, sur laquelle est venu se greffer le méchant virus chinois pour nous rappeler que le consommateur porte désormais les mêmes responsabilités que le gouvernant en matière de mesures réalistes et courageuses à prendre.

MA TRONCHE D’ABORD

Plus concrètement, et pour recentrer le malaise sur la France, on pouvait espérer que le temps libre disponible inciterait cette part de la population attentive au fait qu’il va falloir repenser les choses, à commencer tout de suite à les repenser.

Personne n’ignore que, face à la cessation totale d’activité de la restauration, les artisans, les agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs, ont besoin d’écouler leurs produits. C’est maintenant que nos paysans ont besoin de nous, que ceux qui se lèvent de bonne heure pour nous donner à manger et cultiver la terre, et dont nous convenons tous qu’ils maintiennent en vie une certaine idée de la France, attendent de notre part le geste de solidarité et de bon sens qui doit leur permettre de surmonter cette terrible épreuve.

Et que disent les statistiques ? Que jamais les produits industriels, ultratransformés, préfabriqués, saturés de tous les additifs et adjuvants dont on ne cesse de nous signaler la nocivité lorsqu’on les ingurgite à haute dose, ne se sont aussi bien vendus. C’est par chariots entiers que l’on a vu sortir cette malbouffe des grandes surfaces, pourtant si exemplaires durant cette crise, tant par la rapidité de leur adaptation aux règles de sécurité que par la dévotion héroïque de leurs salariés, alors que leurs rayons sont largement fournis en produits frais aptes à être préparés à la maison puisque la conjoncture le permet, voire l’exige.

Une fois de plus, le consommateur français la joue au plus facile et à l’individuel. Ceux qui ne savent pas, bien sûr, mais ceux qui savent, aussi. Un instant de panique et c’est ma pomme et ma tronche d’abord. La grande distribution voit ses rayons de mies et miches sous plastique, sortant droit de l’usine, dévalisés, alors que les boulangers de proximité jettent des tonnes de pain frais pétri et cuit sur place tous les jours. Alors, quand le gouvernement annonce la fermeture des marchés, ouverts ou couverts, histoire d’envoyer encore plus de monde enrichir la grande distribution, on se dit que la raison est encore très loin de l’action.

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