Publié le 20 novembre 2020
Le 2 novembre dernier, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili annonçait que le gouvernement visait une diminution de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici à 2025. Un peu partout dans le monde, des avancées législatives se concrétisent en la matière. La Nouvelle-Zélande par exemple, a elle aussi proposé cet été de réguler ce type d’emballages et d’interdire plusieurs plastiques difficiles à recycler et articles en plastique à usage unique.
Ces évolutions répondent à une préoccupation grandissante de la population autour du plastique, des volumes croissants présents dans l’environnement, des preuves innombrables de ses effets négatifs sur l’environnement et la santé et du rôle qu’il joue dans la crise climatique mondiale.
S’attaquer à l’emballage plastique est indispensable pour inverser ces tendances négatives. Il représente 42 % de l’ensemble des plastiques non fibreux produits.
Mais l’industrie du plastique tente à tout prix de freiner ces efforts. Pour convaincre que les emballages plastiques sont irremplaçables, ses représentants assurent que leur régulation aura en réalité des conséquences environnementales négatives, car le plastique est un matériau léger dont l’empreinte carbone est plus faible que le verre, le papier ou le métal.
Ces arguments sont fondés sur ce que l’on appelle « l’analyse cycle de vie » (ACV). C’est un outil permettant de mesurer et comparer l’impact environnemental des matériaux tout au long de leur vie.
Les arguments rôdés de l’industrie plastique
L’ACV est utilisée pour évaluer l’impact de l’emballage depuis que l’entreprise Coca-Cola a commandé la première évaluation complète en 1969.
Bien que les praticiens indépendants de l’ACV puissent adopter des processus rigoureux, la méthode est vulnérable aux abus. Selon le cabinet de conseil européen en gestion des déchets Eunomia, elle est limitée par les questions auxquelles elle cherche à répondre :
« Posez des questions inappropriées, trompeuses, étroites ou mal informées et le processus n’apportera que des réponses du même genre. »
Les ACV commandées par l’industrie ont souvent pour fondement des hypothèses positives sur le plastique. Selon elle, le poids léger du plastique compenserait ses impacts négatifs sur les humains, la faune et les écosystèmes. Certaines études sont même utilisées pour justifier l’expansion continue de la production de plastique.
Mais ce plaidoyer néglige certains facteurs importants. En théorie, l’analyse cycle de vie tient compte de l’impact environnemental d’un produit tout au long de son existence. En pratique, cela varie d’une analyse à l’autre, puisque ceux qui la réalisent en délimitent les contours.
Zero Waste Europe a mis en lumière que l’ACV des emballages alimentaires omet souvent de prendre en compte certains aspects importants. Notamment la potentielle toxicité de certains matériaux, ou l’impact des fuites dans l’environnement. Exclure des facteurs comme ceux-ci confère au plastique un avantage injustifié.
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Des chercheurs ont par exemple reconnu l’échec critique de la méthode à prendre en compte la pollution marine. C’est désormais une priorité pour la communauté scientifique… mais pas pour l’industrie du plastique.
Malgré cela, même les études ACV douteuses conservent aujourd’hui un crédit important dans le domaine public. L’industrie de l’emballage capitalise dessus pour distraire, retarder et empêcher l’évolution de la législation. Il est difficile de réfuter les études de l’industrie qui promeuvent la supériorité environnementale du plastique car la mise en place d’une ACV robuste est coûteuse et prend du temps.
L’analyse cycle de vie et la politique d’emballage
Si l’ACV séduit les décideurs soucieux de développer une politique d’emballage fondée sur la preuve, il est essentiel de bien connaître les limites de cet outil, sans quoi les politiques décidées risquent bien de renforcer la communication biaisée des industriels du plastique.
En Nouvelle-Zélande, un rapport intitulé Rethinking Plastics a été réalisé par le bureau du conseiller scientifique du premier ministre. Il a beaucoup influencé l’évolution de la politique nationale à l’égard du plastique.
Ce rapport consacre un chapitre entier à l’ACV. Or il comprend des études de cas qui n’adoptent pas réellement une approche cycle de vie complète, allant de l’extraction des matériaux nécessaires à la fabrication à l’élimination du produit. Un biais que le document ne concède qu’à la dernière page, en précisant que l’ACV ne tient pas compte des impacts environnementaux, économiques et sanitaires du plastique répandu dans l’environnement.
Le rapport suggère également, à tort, que l’ACV constitue « une approche alternative » à la hiérarchie du zéro déchet. En fait, les deux outils fonctionnent bien mieux ensemble. La hiérarchie du zéro déchet priorise les stratégies de prévention, réduction et réutilisation des emballages. Elle est en effet fondée sur l’idée selon laquelle ces approches ont un impact sur le cycle de vie plus faible que le recyclage et la mise en décharge.
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Or parmi les problèmes que pose l’ACV, l’un réside dans le fait que ses praticiens ont tendance à comparer des matériaux déjà disponibles sur le marché des emballages à usage unique. Une ACV guidée par la hiérarchie des déchets inclurait pourtant aussi des systèmes d’emballage zéro déchet ou réutilisable. Une telle approche contribuerait à concevoir une politique d’emballages réellement durable.
La Nouvelle-Zélande compte déjà un nombre croissant d’épiceries sans déchets, approvisionnées par des entreprises locales qui livrent leurs produits dans des emballages réutilisables en vrac. Nous avons également divers programmes de consignes pour les emballages des produits à emporter.
Le pays a également signé le New Plastics Economy Global Commitment, qui engage des entreprises et des gouvernements dans la perspective d’augmenter les emballages réutilisables d’ici à 2025.
Des organisations reconnues comme la Fondation Ellen MacArthur et l’ONG The Pew Charitable Trusts estiment que 30 % des emballages en plastique à usage unique pourraient être remplacés par du réutilisable d’ici à 2040. Le rapport de The Pew souligne :
« Une réduction de la production de plastique – via l’élimination, la croissance des possibilités de réutilisation pour le consommateur, ou la naissance de nouveaux modèles de livraison – est la solution la plus attractive d’un point de vue environnemental, économique et social. »
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