« On en a marre de voir ta gueule à la TV » : l’agriculteur qui a fait condamner Monsanto frappé et ligoté

Tabassé, les pieds et poings liés. C’est ainsi que l’agriculteur Paul François a été retrouvé il y a près d’une semaine dans son garage à Bernac, au nord d’Angoulême (Charente), confirme l’AFP, en reprenant des informations de la presse locale.

Trois hommes ont pris à partie Paul François avant de le frapper et de le ligoter. Son avocat Me Laffourgue confirme que les agresseurs lui ont lancé : « On en a marre de t’entendre et de voir ta gueule à la télé. » D’après France 3 Nouvelle-Aquitaine, les suspects ont également coincé son écharpe dans la portière de la voiture pour tenter de l’étrangler. Puis ils se sont enfuis au moment où des lumières se sont allumées à l’extérieur du domicile. Une enquête est ouverte et trois circonstances aggravantes ont été retenues selon le parquet : « violences en réunion », « arrestation et séquestration », et « administration de substances ». De son côté, la victime envisage « sérieusement de porter plainte ». Néanmoins, l’urgence est « qu’il sorte de cet épisode traumatisant », estime son avocat.

11 000 EUROS DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Paul François est connu pour avoir mené un combat de longue haleine contre Monsanto, un géant de l’agrochimie, racheté par le groupe allemand Bayer en 2018. En 2004, l’agriculteur a été intoxiqué en inhalant des vapeurs de l’herbicide Lasso et il a dû être hospitalisé. Il assure souffrir toujours de troubles neurologiques, 19 ans après.

La responsabilité de Bayer-Monsanto dans l’intoxication de l’agriculteur français a été reconnue par la justice en octobre 2020. Mais ce n’est qu’en décembre 2022 que le groupe a été condamné à verser un peu plus de 11 000 euros de dommages et intérêts à Paul François. Un montant insuffisant pour l’agriculteur. « Qui va oser aller affronter de telles épreuves pour un montant pareil ? », s’est-il écrié après coup. Bayer-Monsanto n’a pas interjeté appel. Le groupe a en effet « une approche pragmatique de la gestion des contentieux et comme le montant des indemnisations est tellement modeste, le jeu n’en vaut pas la chandelle probablement », a affirmé Me Jean-Daniel Bretzner, l’avocat de l’entreprise.

MONSANTO VISÉ PAR DE MULTIPLES PLAINTES

Depuis le rachat par Bayer, Monsanto fait face à des milliers d’actions en justice semblables à celle de Paul François. Le plus souvent, c’est le désherbant Round’Up (composé de glyphosate) qui est mis en cause. En 2019, le groupe a été condamné à verser 2,55 milliards de dollars à un couple d’agriculteurs américains atteints de lymphomes attribués à l’utilisation là encore du Round-Up. En juin 2022, il a aussi dû verser 25 millions de dollars à Edwin Hardeman, un Américain atteint d’un cancer, qu’il impute au même désherbant.

Toutes ces procédures ont eu un effet notable sur le cours de Bayer en Bourse, qui a été divisé par deux en cinq ans. Afin d’ouvrir, selon Norbert Winkeljohann, président du conseil de surveillance de Bayer, « un nouveau chapitre » de l’histoire du groupe, le P.-D.G. Werner Baumann a été limogé le 8 février 2023. Il doit être remplacé en juin par l’Américain William N. Anderson.

Publié le 10/02/2023 par Marianne