Publié le 2 avril 2016
SANG, EAU
J’aime la pluie, sous toutes ses formes. J’aime entendre sa musique. J’aime la forme de ses gouttes. J’aime, j’aime, j’aime. J’aime plus que jamais la pluie.
J’aime la pluie. Elle me redonne vie. Elle remplit les creux de mon lit encore épargnés. Les insectes, les jolies libellules bleues et les papillons volettent, s’y mirent, effleurent sa surface et repartent.
J’aime la pluie. Elle est mon cache-misère. En recouvrant les immondices laissés sur le rivage et charriés par la dernière inondation, je fais encore illusion.
J’aime la pluie. Elle est ma providence. J’ai l’impression que rien ne changera, que je coulerai toujours des jours heureux avec mes amis. La lune, en son plein illuminera encore mon lit, lui donnant des reflets argentés. Le soleil, par-dessus les frondaisons, fera toujours des ombres chinoises. Je n’ai décidément rien à envier aux canaux les plus célèbres.
Mais,
L’été dernier, des tonnes de terre ont commencé à m’asphyxier, à compresser le fond de mon lit. C’est arrivé subitement, personne n’était au courant.
Je redoute dès à présent, les belles journées, la canicule. L’évaporation est devenue ma hantise. A cause d’elle, mon lit déjà bien cabossé sera mis à nu. L’on y découvrira des troncs, des branches mortes, des déchets innommables en décomposition. J’ai honte, la vase me donnera mauvaise haleine, je sentirai très mauvais, je serai transformé en cloaque.
Je ne veux pas que l’on finisse par m’étouffer. Je ne veux pas perdre mon identité. Je ne veux pas que mes amis meurent.
Je veux être le miroir du saule pleureur pour qu’il se recoiffe après la tempête.
Je veux rester l’ornement, le joyau, la parure de toutes ces maisons dont je borde les jardins.
Je veux rester là où je suis né.
Empêchez-moi de mourir.
Moé, riveraine du canal
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