Réforme du Code minier : le gouvernement déroule le tapis rouge aux industriels (Reporterre)

Déchets Santé-Ecologie Ustaritz
Publié le 25 novembre 2020

Le gouvernement travaille à une réforme du Code minier. Mais, comme l’explique l’auteur de cette tribune, le projet — sur lequel le Conseil national de la transition écologique doit rendre un avis ce lundi — fait fi du droit de l’environnement et de l’information et la participation citoyennes, ouvrant grand la voie à l’industrie extractive.

Claude Taton est membre d’ADAMVM (Association pour la dépollution des anciennes mines de la Vieille Montagne).


En 2011, de puissantes mobilisations citoyennes se sont opposées à l’extraction des hydrocarbures de schiste, et ont mis en lumière l’obsolescence du Code minier, inopérant pour affronter les enjeux environnementaux.

Créé en 1956, ce code définit la gestion des ressources minières du sous-sol et les règles pour les explorer et les exploiter. La filière mines et métallurgie, qui rassemble les acteurs de l’extraction minière, représente 12 % du PIB (produit intérieur brut) industriel de la France.

Le potentiel minier de la France, en 2015. Source : BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).

Après plusieurs projets de réforme avortés, lors du premier Conseil de défense écologique, en mai 2019, le ministre de la Transition écologique avait annoncé sa relance, tant souhaitée par Emmanuel Macron, qui, quand il était ministre de l’Économie, avait appelé à ce que « la reprise de l’activité minière, en plus de contribuer à la réindustrialisation de notre pays […] constitue une opportunité de revitalisation, de création de valeur et d’emplois dans les territoires ruraux ».

La réforme du Code minier vient de se traduire par un projet de loi, passé inaperçu dans les médias nationaux. Il devrait être d’abord examiné par le Conseil national de la transition écologique, qui devrait rendre un avis lundi 23 novembre. Le texte sera ensuite présenté au Conseil d’État, et enfin en Conseil des ministres.

En présentant l’exploitation minière comme un des axes de la nouvelle politique industrielle de la Francela notice de présentation du projet de loi tend à nous faire croire à la possibilité d’inscrire l’activité minière dans un cadre plus respectueux de l’être humain et de l’environnement, et plus transparent en matière de participation citoyenne. Qu’en est-il réellement ?

Respect du droit à un environnement sain ou écran de fumée ?

Cette première mouture du projet de loi n’affiche pas d’ambition de mise en conformité du droit minier avec les principes constitutionnels de la Charte de l’environnement, qui postule notamment que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement », ni avec les principes généraux du droit de l’environnement. Il ne fait pas non plus référence à l’accord de Paris sur le climat, conclu à l’issue de la COP21.

Si elle prévoit la production par la future société extractrice d’une analyse environnementale, économique et sociale, ce n’est qu’une fois le titulaire du titre minier choisi par l’autorité, après la procédure de mise en concurrence. Ce qui implique que les critères environnementaux et sanitaires ne seront pas pris en compte dans le processus de sélection du futur opérateur minier. Or, il est essentiel de soumettre à l’évaluation environnementale tous les postulants lors de cette procédure de mise en concurrence : le choix d’un opérateur ne peut plus être effectué sur les seuls critères financiers.

De plus, cette analyse n’exige de l’opérateur qu’une présentation de l’ensemble des techniques envisagées pour procéder à l’extraction. Elle ne lui impose ni de qualifier ni de désigner clairement la technique d’exploration/exploitation qui sera utilisée. Dans ces circonstances, comment pourrait-on évaluer les conséquences environnementales futures de l’extraction ?

On ne sait pas si, au regard de l’urgence climatique, un bilan carbone de la future activité extractive et sa résorption seront exigés dans les critères environnementaux.

Aucun avis contraignant n’est prévu

L’avis environnemental du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’avis économique du Conseil général de l’économie (CGE), rendus après la sélection de l’opérateur minier, seront uniquement consultatifs et non contraignants. Ils ne pourront donc s’opposer, sous aucun prétexte, à la décision de l’octroi d’un titre minier.

Le texte prévoit que la demande d’un titre minier pourrait être refusée par le ministère de l’Industrie « s’il existe un doute sérieux concernant la possibilité de procéder à l’exploration ou à l’exploitation… sans conséquence grave » pour l’environnement. Mais, en ne définissant pas la notion de « doute sérieux », il laisse l’évaluation du danger à la libre appréciation dudit ministère.

Il en est de même pour le cahier des charges, dont les prescriptions ne sont pas précisées et dont l’annexion à l’acte octroyant le titre minier ne serait pas obligatoire.

Participation du public ou vernis démocratique ?

Le public ne sera pas informé de l’existence d’une demande de titre minier dès son dépôt, ou au moment de la publication de l’avis de mise en concurrence — seules les collectivités territoriales le seront.

Il ne sera averti qu’une fois l’opérateur-candidat choisi par le ministère de l’Industrie, après la procédure de mise en concurrence. Or, si la population n’est pas avertie et informée dès le dépôt d’une demande de titre minier, comment pourrait-elle apprécier l’intérêt du projet minier (au regard des considérations environnementales et sanitaires, de son effet sur l’économie locale et sur l’aménagement du territoire) avant que la concrétisation du projet ne soit rendue irréversible ?

Opposition à un projet de mine de tungstène à Fontrieur, dans le Tarn, en septembre 2020.

Par ailleurs, il serait souhaitable que les conclusions issues de la concertation avec le public revêtent une réelle portée juridique vis-à-vis de l’autorité administrative. En l’état actuel, le texte ne le prévoit pas : ce sont de simples avis. Le public est donc écarté du processus décisionnel.

Ainsi envisagée, cette procédure de concertation se définit davantage comme un moyen d’obtenir l’adhésion des populations, que comme une volonté de prendre véritablement en compte leur avis.

Le droit de suite réaffirmé

Le droit de suite permet au détenteur d’un permis de recherche d’obtenir en exclusivité un permis d’exploitation sur les gisements découverts. Cette disposition enlève toute possibilité à l’État de reprendre la main et de pouvoir changer d’avis sur l’exploitation d’une ressource.

Le droit de suite n’est que légèrement modifié dans le projet de loi : le détenteur d’un permis de recherche sera toujours considéré comme prioritaire, à condition que ses travaux de recherche fassent d’abord la preuve que le gisement est exploitable.

« L’après-mine » oublié

Le projet de loi évoque peu les lourdes dégradations environnementales que laissent sur nos territoires les extractions minières. Des dizaines d’années après la fermeture des mines, les conséquences de l’extraction d’uranium en Bretagne ou celle du zinc et du plomb dans les Cévennes sont toujours problématiques.

Le projet de Code minier ne définit pas ce qu’est précisément un dommage minier ni sa possible réparation. Concernant l’indemnisation des préjudices liés à l’exploration minière, seuls les dommages immobiliers seraient pris en considération — les dommages que pourrait causer l’exploitation des mines aux personnes et à l’environnement ne le sont toujours pas.

Le texte n’ouvre donc pas la possibilité aux personnes subissant des dommages de faire entendre leur voix ni aux défenseurs de l’environnement de faire reconnaître les conséquences néfastes de l’exploitation. Les enfants intoxiqués à l’arsenic près de l’ancienne mine d’or de Salsigne (dans l’Aude), par exemple, ne pourront faire valoir leurs droits à réparation.

Une réforme en trompe l’œil pour forcer l’acceptabilité sociale

La réforme du Code minier nous est présentée comme censée mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, économiques et sociaux, mais c’est davantage un trompe-l’œil visant à favoriser une forme d’acceptabilité sociale des projets miniers.

La Guyane en paie un lourd tribut et les membres de la Convention citoyenne pour le climat ne s’y sont pas trompés en proposant un moratoire sur l’exploitation industrielle minière dans ce pays.

L’activité minière se répercute lourdement sur nos territoires et, du fait des pollutions (air, eau, sols) engendrées, entre en conflit avec les économies locales fondées sur l’agriculture et le tourisme. Elle affaiblit la biodiversité et affecte la santé des populations. Selon l’association Ingénieurs sans frontières, nul ne peut garantir l’absence de conséquence là où sont extraits des minerais : « Il est techniquement et industriellement impossible que les mines soient un jour propres et totalement durables. »

Le Code minier n’est pas seulement un instrument juridique. En essayant de nous vanter un modèle minier « vertueux », il cache la logique prédatrice du secteur minier dans sa volonté d’explorer toujours plus de nouveaux territoires et gisements. Celle-ci est liée non seulement à la raréfaction des ressources, mais également à une économie financiarisée privilégiant la spéculation, l’accumulation et la valorisation des capitaux sans limites. Aussi, il est urgent qu’en tant qu’acteurs des territoires nous fassions entendre notre voix sur les choix technologiques et économiques faits par et pour l’industrie extractive avant que celle-ci ne nous mène dans l’impasse.

D’autant plus que le projet de loi prévoit, en son article 12, la possibilité de recourir aux ordonnances pour modifier toute une série de mesures, en évinçant le débat et le vote au Parlement.

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