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La France l’emporte sur l’Allemagne : le nucléaire sera dans la taxonomie européenne (Marianne)

LGV Santé-Ecologie
Publié le 8 juillet 2022

Les eurodéputés ont donné leur feu vert au projet de taxonomie, qui intègre le nucléaire et le gaz parmi les énergies « vertes » pouvant bénéficier des investissements fléchés par l’Union européenne (UE) pour mener à bien la transition énergétique. Il s’agit de la fin d’un très long bras de fer, notamment entre la France et l’Allemagne.

L’avenir du nucléaire s’éclaircit. Le Parlement européen a donné son feu vert au projet de taxonomie européenne, qui intègre l’atome et le gaz parmi les énergies considérées comme « vertes », de manière transitoire et avec des conditions strictes. Les centrales nucléaires seront concernées si elles n’émettent pas de CO2 en fonctionnement, et celles à gaz si elles permettent de fermer des centrales à charbon, plus polluantes. Une décision très applaudie par une partie de l’hémicycle, et huée par des militants écologistes dans le public.

Le vote des parlementaires européens était crucial, ce mercredi 6 mai, alors que cette taxonomie doit flécher les investissements vers des activités « durables », pour mener l’Union européenne (UE) à la neutralité carbone d’ici 2050. L’inclusion du gaz et du nucléaire dans ce texte fait l’objet d’intenses débats depuis de très nombreux mois. L’issue du scrutin en séance plénière à Strasbourg était très incertaine, depuis qu’une coalition s’était formée pour faire échec à ce projet de la Commission européenne.

ENTRÉE EN VIGUEUR EN JANVIER PROCHAIN

Mi-juin, les commissions de l’environnement et des affaires économiques du Parlement européen avaient ainsi adopté une résolution pour s’y opposer. Cette coalition réunissait des centristes de Renew Europe (où siègent les élus LREM), des Verts, des Socialistes et Démocrates (S & D), du Groupe de la Gauche et des élus de droite du Parti populaire européen (PPE). Elle n’a finalement pas réussi à bloquer le texte.

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En conséquence, la taxonomie devrait entrer en vigueur en l’état au 1er janvier prochain, même si certains opposants envisagent un éventuel recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne d’ici là. L’autre option pour l’empêcher semble écartée. Elle nécessite qu’au moins vingt pays de l’UE, représentant 65 % de la population de l’Union, se prononcent contre. Ce qui semble numériquement impossible. Au moins neuf États soutiennent la France, qui s’est présentée comme la fervente défenseure de l’inclusion du nucléaire dans ce texte décisif.

LA FRANCE SAUVE SA PEAU

La France jouait très gros avec ce vote, alors qu’elle aura besoin de fonds pour financer son chantier du nouveau nucléaire. À Belfort, en février dernier, Emmanuel Macron a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR de nouvelle génération d’ici 2050. Huit autres sont envisagés, ainsi que des petits réacteurs modulables. Un vaste défi qui nécessite des financements massifs de « plusieurs dizaines de milliards d’euros » selon le président français. Les fonds fléchés par la taxonomie seront donc les bienvenus.

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Plus largement, la filière nucléaire manque cruellement d’investissement, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui a appelé, fin juin, à doubler la capacité mondiale d’ici à 2050 pour atteindre les objectifs de zéro émission nette. L’AIE estime que 500 milliards d’euros sont nécessaires d’ici à 2050 alors que, selon son rapport, le parc des centrales nucléaires pourrait diminuer d’un tiers d’ici 2030 dans les « économies avancées ». De très nombreux réacteurs arrivent en fin de vie. Les derniers projets ont aussi pris du retard, en explosant au passage les budgets prévus, comme le fameux EPR de Flamanville.

OPPOSITION DES ONG ÉCOLOGISTES

Avec le vote du Parlement européen, c’est la fin d’un très long bras de fer, que la France semble avoir emporté. Alors qu’une première version du texte, présentée en avril 2021 par la Commission européenne, ne comprenait pas le nucléaire, un rapport du Centre commun de recherche, le laboratoire de recherche scientifique et technique de l’Union européenne, a rebattu les cartes. Cette étude scientifique, commandée par la Commission, ne révélait pas « de preuve scientifique que l’énergie nucléaire serait plus dommageable pour la santé ou pour l’environnement que d’autres modes de production d’électricité déjà inclus dans la taxonomie ». Une seconde version du texte a donc été proposée, fin décembre, en intégrant le gaz et le nucléaire.

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De quoi faire bondir certaines ONG écologistes. Cette semaine, les militants ont multiplié les actions à Strasbourg, pour dénoncer un « greenwashing ». « Le vote du Parlement européen est une sacrée défaite pour le climat », estime Neil Makaroff, responsable pour l’Europe du Réseau Action Climat, interrogé par Marianne.

 

« Cela va retarder, voire menacer la transition énergétique si l’on parle du gaz. De manière générale, cela risque de détourner des milliards d’euros qui sont censés aller vers de véritables énergies vertes. S’il n’émet pas de CO2, le nucléaire rejette des déchets, ce qui n’aurait pas dû permettre son classement dans la taxonomie », poursuit Neil Makaroff.

BRAS DE FER FRANCO-ALLEMAND

L’Allemagne s’est également vivement opposée à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Paris et Berlin empruntent deux voies opposées pour mener leur transition énergétique. L’Allemagne table sur un mélange alliant les énergies renouvelables et le gaz, une énergie fossile qui émet du CO2. Paris opte pour un mix avec le nucléaire, qui émet peu de CO2. Le choix du gaz fait l’objet d’un relatif consensus au sein de la classe politique allemande, même si les Verts – qui font partie de la coalition au pouvoir – y sont opposés.

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Mais s’ils critiquent le gaz, les écolos allemands sont surtout vent debout contre le nucléaire. Or c’est l’un des leurs, Robert Habeck, qui est à la tête d’un ministère aux prérogatives très étendues, alliant l’économie et le climat. Le 1er janvier dernier, Robert Habeck avait qualifié le projet de taxonomie européen de « greenwashing », considérant qu’« étiqueter l’énergie nucléaire comme durable est une erreur. Cela obscurcit la vision des effets à long terme sur les personnes et l’environnement. Les déchets nucléaires hautement radioactifs nous pèseront pendant des siècles. (…) C’est plus qu’inquiétant », avait-il réagi, au lendemain de la présentation du texte de la Commission, sans parvenir à réunir suffisamment d’alliés pour faire échec au texte.

IMPACT DE LA GUERRE EN UKRAINE

Le projet de taxonomie a enfin été bouleversé par le déclenchement de la guerre en Ukraine. Certains opposants au texte craignaient que la taxonomie ne fasse perdurer la dépendance énergétique de l’UE à la Russie de Vladimir Poutine. L’ambassadeur ukrainien en Allemagne a ainsi rédigé une lettre ouverte aux législateurs allemands, regrettant que « les termes de la taxonomie favorisent clairement le gaz russe ».

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Une opinion qui n’était pourtant pas partagée par German Galushchenko, le ministre ukrainien de l’Energie. Celui-ci a clairement appelé le Parlement européen à soutenir le projet. Dans un message adressé aux parlementaires, German Galushchenko considérait que « la production indigène de gaz » restera « un pilier solide pour garantir la sécurité et l’approvisionnement énergétique et la souveraineté de l’Ukraine au cours de la prochaine décennie ». Le ministre a aussi rappelé que l’Ukraine abritait la deuxième plus grande réserve de gaz d’Europe, avec 1,1 trillion de mètres cubes.

En 2020, la Russie était aussi le troisième fournisseur d’uranium en Europe. Toutefois, la France dépend très peu des importations russes. L’Hexagone importe principalement son uranium depuis l’Australie, le Niger et le Kazakhstan, selon le ministère de la Transition énergétique, interrogé par Libération.

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