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Supercherie du label Rouge : ces poulets certifiés « élevés en plein air » qui ne sortent pas du hangar

LGV Santé-Ecologie Ustaritz
Publié le 7 mars 2023

Afin de ne pas pénaliser l’élevage industriel, les pouvoirs publics autorisent le maintien de la mention « Élevé en plein air » ou « En liberté » pour les volailles confinées. Une dérogation qui n’en relève pas moins de la tromperie à la consommation.(Périco Legasse)

Comment doit-on qualifier celui qui affiche « Issue de secours » sur une porte condamnée ? Mauvaise blague ou négligence, l’affaire peut mal finir. Lorsqu’il s’agit de réglementation alimentaire, on a le droit de s’inquiéter, mais, lorsque les pouvoirs publics sont les propres auteurs de la fraude, on peut parler de forfaiture. La pratique remonte à la première pandémie aviaire, en 2017. Il s’était alors agi de confiner les élevages de volailles touchés ou menacés par l’influenza. La durée de confinement pouvait s’étendre entre deux et quatre mois, durant lesquels les oiseaux étaient maintenus à l’intérieur de hangars sans possibilité de sortir. Tout au plus certaines installations donnaient-elles la possibilité de laisser les volatiles gambader quelques heures à proximité immédiate des locaux.

DÉROGATION « PROVISOIRE »

Premiers concernés, les élevages de volailles « En plein air » ou « en liberté », ainsi certifiés par un label Rouge figurant sur l’emballage, obtinrent une dérogation les autorisant à maintenir ledit label malgré les restrictions imposées. Il s’agissait d’assouplir les contraintes liées au confinement en n’alourdissant pas la pénalité avec la privation d’un label qualitatif déterminant sur le plan commercial.

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Le poulet restant un mets emblématique pour les Français, et la volaille industrielle en batterie inspirant encore de l’horreur, la création du label Rouge avec mention « Élevé en plein air » ou « Élevé en liberté » fut un gage des plus rassurants pour le consommateur vigilant. C’est donc de bonne foi que la Direction générale de l’alimentation, dépendante du ministère de l’Agriculture, et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dépendante du ministère des Finances, consentirent cette dérogation à titre provisoire.

LAXISME

Au départ autorisée pour 16 semaines, ladite dérogation s’est vue renouvelée, puis prolongée, sans réelle contrainte, ni contrôle, chaque fois que menaçait ou survenait un épisode pandémique. Pour autant, le label Rouge « Élevé en plein air », malgré une petite entorse à sa constance, gardait sa fiabilité. Le problème est que certains y prirent goût, abusant du laxisme des pouvoirs publics. La distinction s’est aussitôt faite entre les petits éleveurs, attachés aux valeurs artisanales de l’activité, soucieux de réduire au minimum le temps de confinement, et les gros producteurs, coopératives ou industriels, qui n’hésitèrent pas et ont depuis persisté à apposer le label « Élevé en plein air » à des volailles de hangar et à des œufs provenant de poules confinées.

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La réglementation actuelle du label Rouge de plein air stipule que les volailles ne peuvent être abattues avant 81 jours après leur naissance (84 jours pour la volaille de Loué), disons trois mois, période durant laquelle l’accès au parcours extérieur ne peut être inférieur à 60 jours. C’est ici que les mentions « Plein air » et « En liberté » se distinguent, la première imposant une surface de parcours de 2 m2 par animal, la seconde de 4 m2 avec parcours ouvert. Pour les œufs, ceux classés en catégorie 0 (bio) doivent provenir de poules disposant au minimum de 4 m2 en extérieur, à raison de 6 pondeuses par mètre carré dans le bâtiment sur des élevages limités à 3 000 animaux par bâtiment et 24 000 sur la totalité de l’exploitation. Pour la catégorie 1, la surface par poule est fixée à 5 m2, à raison de 9 pondeuses par mètre carré dans le bâtiment, pour un effectif de 6 000 oiseaux en intérieur et 12 000 sur l’exploitation. Les catégories 2 et 3 sont sans contraintes précises, si ce n’est que l’œuf doit sortir du cul de la poule, et encore…

MENSONGES INACCEPTABLES

Telles sont, en principe, les normes qualitatives auxquelles doivent se conformer les éleveurs de volailles de chair et de poules pondeuses bénéficiant d’un label certifié. Il faut bien comprendre que l’intérêt des éleveurs ayant obtenu l’instauration du label pour se distinguer d’une production industrielle porteuse d’abomination alimentaire (l’un des premiers symboles de la malbouffe avec le fameux poulet aux hormones en batterie nourri à la farine de poisson) est de préserver le principe du plein air. C’est aussi le combat des producteurs de foie gras du Sud-Ouest, dont les canards ont besoin de vivre en liberté pour donner le meilleur d’eux-mêmes, alors que les industriels et le syndicat majoritaire poussent pour maintenir le confinement chaque fois qu’ils le peuvent.

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C’est dire si le principe de la dérogation répétée, autorisée à l’annexe II du règlement européen daté du 23 juin 2008, ouvre la porte à d’inacceptables dérives que les pouvoirs publics ne maîtrisent pas. Comment l’administration française peut-elle accepter de tromper sciemment un consommateur qui fait confiance à l’étiquetage officiel ? Que doit penser la mère ou le père de famille qui accepte de payer un peu plus cher son poulet et ses œufs label Rouge, par souci de bonne nutrition, et qui découvre que, pour préserver la part de marché de producteurs peu consciencieux, on lui ment sur les garanties certifiées ? Des millions de ces produits ont été mis en vente sur les étals de la grande distribution sans que personne soit informé de la supercherie. Une mention devait préciser « Poules élevées en plein air momentanément confinées à la demande des autorités » en cas de dérogation au label. On ne l’a guère lue dans les rayons des grandes surfaces. Sans doute les pouvoirs publics attendent-ils que les poules aient des dents pour l’imposer systématiquement, étant entendu que la logique néolibérale préconise de plumer le consommateur avant l’industriel.

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