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800 millions d’oiseaux décimés : rouge-gorge, pigeon ramier, ces oiseaux qui résistent à l’agriculture intensive

Santé-Ecologie
Publié le 17 mai 2023

Outre le réchauffement climatique, l’agriculture intensive est la principale responsable du déclin des oiseaux en Europe, d’après une étude publiée le lundi 15 mai. Mais quelles sont les espèces les mieux armées pour résister à cette menace environnementale ? Et comment les autres s’adaptent-elles ? « Marianne » s’est penché sur les évolutions nécessaires des populations aviaires.

Écouter le roucoulement d’une tourterelle lors d’une balade en forêt, observer les mouettes planer au-dessus des vagues, contempler deux pies batailler pour un morceau de pain… des petits plaisirs du quotidien qui deviendront bientôt de lointains souvenirs ? C’est en tout cas le risque, selon une étude réalisée par des chercheurs européens et publiée ce lundi 15 mai dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences. Les résultats sont effrayants : 20 millions d’oiseaux disparaissent en moyenne d’une année sur l’autre en Europe, depuis plus de quarante ans. Soit 800 millions en moins, depuis 1980. Si le réchauffement climatique est une des causes majeures du déclin sidérant des oiseaux en Europe, l’étude révèle que l’agriculture intensive en est l’explication principale, à laquelle s’ajoute l’urbanisation. En d’autres termes, la biodiversité est la première victime de l’usage des sols.

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D’ailleurs, les auteurs de l’étude affirment que la France fait partie des pays européens où les pratiques agricoles intensives ont le plus fortement progressé ces dernières années, avec les Pays-Bas, la République tchèque et l’Irlande. Couplées à l’utilisation d’intrants de synthèse (engrais et pesticides), ce modèle a décimé l’habitat des oiseaux liés aux milieux agricoles. Et ils ne sont pas les seuls concernés. Car s’ il est vrai que les oiseaux des campagnes sont particulièrement touchés – leur nombre ayant diminué de 57 % en 40 ans (les effectifs de la mésange boréale chutant même de 70%) – les oiseaux des villes sont également frappés. 28 % de leurs ressources alimentaires – principalement des insectes – sont ainsi ravagés par l’utilisation d’intrants agricoles.

« ESPÈCES GÉNÉRALISTES »

Toutefois, certains oiseaux sont davantage à même de s’adapter aux menaces environnementales de par leurs caractéristiques. À commencer par ceux qui ont la capacité de survivre dans différents milieux. « Les espèces généralistes sont celles qui vont avoir tendance à augmenter parce qu’elles s’accommodent de tous les types d’habitat, contrairement aux espèces spécialistes », observe Karine Princé, chercheuse associée au Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO) et autrice d’une thèse sur l’impact des changements climatiques sur la biodiversité en milieux agricoles, qui cite pour exemple le pigeon ramier. Autrement dit, s’il est courant de l’apercevoir dans les rues d’une grande ville, cette espèce peut tout aussi bien vivre dans une forêt.

Un écosystème dans lequel, selon les chercheurs, les oiseaux semblent « mieux s’en sortir », leur nombre n’ayant diminué « que » de 17 % en 40 ans. Ce phénomène est lié à l’augmentation globale du couvert forestier en Europe. De fait, certaines espèces comme le rouge-gorge, capable de vivre en centre-ville comme en forêt, ou bien le pic noir, préférant se nicher dans les arbres, sont épargnés par le déclin ravageur qui touche leurs compatriotes aviaires. Le nombre de rouges-gorges a en effet augmenté de 30 % en Europe ces 40 dernières années, contre 50 % pour les pics noirs, peut-on lire dans l’étude.

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À l’agriculture intensive s’ajoute l’impact du changement climatique, qui joue un rôle majeur dans la disparition de nombreuses espèces. L’augmentation globale des températures touche davantage celles qui préfèrent le froid, dont la population connaît un déclin évalué à 40 %, tandis que le nombre des adeptes de la chaleur a glissé de « seulement » 18 %. Cette situation explique le déplacement de certains oiseaux : « Avec le réchauffement, certaines espèces méridionales, à l’origine présentes dans les latitudes sud, remontent vers le nord pour y trouver un climat plus adapté », précise la chercheuse Karine Princé. C’est pourquoi aujourd’hui, des espèces méditerranéennes, comme le guêpier européen et la petite aigrette, élisent domicile au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, en raison notamment des hivers plus doux.

MODIFICATION DU COMPORTEMENT DES OISEAUX

Les changements climatiques de ces dernières années ont par ailleurs des répercussions sur les caractéristiques physiques et la coloration de certains oiseaux, à l’image de la mésange bleue, habituellement reconnaissable par son plumage jaune sur la poitrine et sa crête bleue. Des chercheurs du Centre d’écologie fonctionne et évolutive de Montpellier (CEFE-CNRS) se sont aperçu qu’en quinze ans, ces couleurs avaient pâli. Pour les auteurs de ce rapport, réalisé entre 2005 et 2019, cette évolution résulte de la combinaison d’une hausse de la température et d’une baisse des précipitations : « La coloration est devenue plus terne et moins chromatique […]. Le changement observé au fil du temps est probablement une réponse plastique aux conditions environnementales », est-il ainsi mentionné dans l‘étude.

D’autres espèces, elles, sont contraintes de modifier leurs comportements et leurs activités saisonnières. Dans le jargon scientifique, on parle de « phénologie ». Ainsi, on observe une avancée du retour de migration pour les espèces qui migrent sur des courtes comme des longues distances, pour fuir des températures trop élevées à l’approche de l’été. L’arrivée des oiseaux migrateurs a avancé d’environ cinq à douze jours selon les espèces, d’après la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Or, bien souvent, les ressources alimentaires ne sont pas encore disponibles au moment de ce retour anticipé : « Si les dates d’arrivée des migrateurs sur les sites de reproduction ne coïncident pas avec le pic d’émergence des insectes, la mortalité dans les nichées peut être drastique », peut-on lire sur le site de l’association.

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