Publié le 12 juin 2021
Réduire la dépendance de notre pays aux importations d’énergies fossiles et fissiles, tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre (GES), implique une diminution massive de nos consommations d’énergie dans tous les secteurs d’activité et la transition vers un mix énergétique 100% renouvelable à l’horizon 2050. L’éolien terrestre représente un gisement important de production d’électricité renouvelable en France – le premier dans l’Union européenne[1] – et est amené à jouer un rôle-clé dans cette transition. Malgré des potentiels importants, des perspectives d’emplois et de développement des territoires, la France accuse du retard dans la poursuite de ses objectifs de production d’énergie renouvelable.
France Nature Environnement décrypte les enjeux et les impacts du développement de l’éolien terrestre sur la nature, l’environnement et la transition énergétique des territoires.
[1] D’après l’Agence européenne de l’énergie, AEE, Europe’s onshore and offshore wind energy potential, 2009.
Les éoliennes sont constituées schématiquement d’un mât, d’une nacelle et d’un rotor. Elles permettent de transformer l’énergie cinétique du vent, ressource inépuisable et présente sur tout le territoire, en énergie mécanique puis en électricité. La puissance d’une éolienne est directement liée à la surface balayée par les pales et donc à leur taille. Aujourd’hui, cette puissance est comprise entre 2 MW et 3 MW : une éolienne de 2 MW consomme entre 0,8 et 4 MWh/an, pour une production de 4 000 MWh/an en régime de vent moyen (soit l’équivalent de la consommation annuelle de 1 000 foyers, hors chauffage)[2].
Les éoliennes sont généralement installées sur des sites caractérisés par des vitesses de vent en moyenne supérieures à 20 km/h. Les nouvelles éoliennes, plus performantes, peuvent être installées sur des sites avec des vitesses plus faibles. Les améliorations technologiques actuelles et à venir vont permettre de valoriser une plus grande part de la ressource en vent de la France et de mieux équilibrer la répartition des parcs éoliens entre les régions.
La production des éoliennes est par nature variable car elle requiert une vitesse de vent comprise entre 10 km/h et 90 km/h à hauteur de la nacelle. Cependant, la ressource a une bonne répartition sur le territoire français, avec trois régimes de vent décorrélés et complémentaires, ce qui permet de lisser la variabilité à l’échelle nationale[3]. Pendant sa période d’exploitation, une éolienne tourne 75 à 95% du temps à différentes vitesses en fonction de la force plus ou moins importante du vent. En un an, elle produit autant d’électricité que si elle avait tourné 20 à 25 % du temps à capacité maximale. C’est ce qu’on appelle le facteur de charge, ou taux de charge.
(Crédit schéma : Mathieu.clabaut, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)
[2] Source : ADEME.
[3] En d’autres termes, les sites de production sont suffisamment éloignés les uns des autres pour que les conditions météorologiques soient différentes à un instant donné, ce qui offre une production totale plus constante à l’échelle nationale. Cette mutualisation s’appelle le foisonnement.
Les 5 atouts de l’éolien
Toutes les énergies, qu’elles soient fossiles, fissiles ou renouvelables, ont un impact plus ou moins important sur l’environnement. Quelles sont les atouts de l’éolien par rapport à d’autres sources d’énergie ?
1. Complémentarité avec les autres énergies renouvelables
La production éolienne est saisonnière, avec un facteur de charge plus important en moyenne pendant l’hiver qu’en été, respectivement de l’ordre de 30% et 12% à 15%. La moyenne annuelle du parc français reste stable à 23%. La production plus importante de l’éolien en hiver qu’en été suit le profil saisonnier de consommation d’énergie et est complémentaire à la production photovoltaïque (plus importante en été).
Grâce à l’effet de foisonnement (effet de lissage des variabilités de la production lié à la présence de trois régimes de vent en France), au recours à d’autres moyens de production renouvelable comme l’hydroélectricité et à des mesures de réduction des consommations, la variabilité de production de l’éolien ne nécessite pas de construire de nouvelles centrales thermiques, comme on l’entend souvent dire par les détracteurs de l’éolien. D’après le Bilan prévisionnel 2019 de RTE, la filière éolienne, malgré sa nature variable, contribue d’ailleurs de façon non-négligeable à la sécurité d’approvisionnement du réseau électrique.
2. Faible pollution
En se substituant à la production d’origine fossile ou nucléaire, l’électricité éolienne contribue à renforcer l’indépendance énergétique de la France et à limiter les importations d’énergie (uranium ou énergies fossiles) et à réduire les impacts environnementaux associés à ces énergies. Le taux d’émission de CO2 équivalent de l’éolien est de 12,7 g par kWh (faible par rapport à celui du mix français, estimé à 62 gCO2/kWh en 2017).
Les éoliennes ont également un temps de retour énergétique très court : en 12 mois, elles ont compensé l’énergie qu’elles consommeront au cours de leur vie (depuis la fabrication jusqu’au démantèlement).
Photo : parc éolien du Lauragais, Haute-Garonne (crédit : Didier Descouens, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)
3. Recyclabilité des matériaux utilisés
Les principales ressources utilisées pour construire les éoliennes sont le béton (fondations), le fer, l’acier (mât, nacelle, fondations), le cuivre et l’aluminium pour les conducteurs. Les terres rares ne sont présentes que dans la composition des aimants permanents utilisés par seulement 3% du parc éolien terrestre. La majorité des éoliennes installées n’utilisent donc pas de terres rares. Lors du démantèlement, ces matériaux sont envoyés vers les filières de recyclage et de valorisation existantes et déjà bien structurées et qui ont la capacité d’absorber ces nouveaux flux de matière. La PPE prévoit de rendre ce recyclage obligatoire d’ici 2023.
4. Source de revenus et d’emplois
Selon le Journal de l’Éolien, l’implantation d’un parc de cinq éoliennes de 2 MW génère plus de 100 000 euros de ressources fiscales par an. Du fait des divers prélèvements fiscaux existants sur les projets éoliens, une commune perçoit chaque année environ 7 000 euros, un département 3 000 euros et une région un peu moins de 1 000 euros pour 1 MW installé. En 2017, les recettes fiscales de l’éolien pour les collectivités locales s’élevaient à plus de 151 millions d’euros sur le territoire français. Enfin, sur le long terme et pour ce qui est de l’évitement des émissions de GES, les gains environnementaux, économiques et sociaux liés au développement de l’éolien sont largement supérieurs aux coûts générés par l’appui de l’Etat au développement de la filière.
Selon l’Observatoire de l’Éolien 2019, le secteur emploie 18 200 personnes en 2018 (emplois directs et indirects). Environ 6 000 emplois seraient liés aux secteurs industriels, les autres emplois étant liés au développement des projets (études techniques, génie civil, transport) et à l’exploitation et la maintenance des parcs éoliens.
5. Compétitivité économique
Le coût de production des énergies renouvelables a baissé massivement au cours des dernières années. Des résultats récents, issus des derniers appels d’offres semestriels 2019, révèlent des coûts réels (et non prédits) autour de 65€/MWh, un coût proche du coût complet du nucléaire historique amorti, estimé à 59,8 €/MWh (rapport de la Cour des comptes de 2014) et largement inférieur à celui du nucléaire nouveau (EPR d’Hinkley Point, estimé à 110 €/MWh). D’après l’ADEME, les éoliennes de nouvelle génération permettront d’améliorer la productivité et de diminuer le coût de production de l’électricité d’ici 2030 autour de 47 €/MWh.[4]
Photo : parc éolien du Lauragais, Haute-Garonne (crédit : Didier Descouens, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)
Les 4 conditions pour un développement vertueux
1. Planifier les projets au niveau territorial
Une planification à une échelle territoriale adaptée est essentielle pour identifier le potentiel de développement de l’éolien, éviter ainsi les sites sensibles pour la biodiversité et le paysage, et appréhender les effets cumulés avec d’autres parcs et infrastructures. Les collectivités territoriales, à travers les documents qui planifient et réglementent l’utilisation du sol (SCOT, PLUi), doivent être les moteurs de ces planifications, à partir d’un cadrage national et régional préalable (SRADDET). Une coordination régionale des acteurs de la filière et une réflexion à l’échelle départementale sur les enjeux de localisation des éoliennes sont également nécessaires.
2. Prendre en compte les impacts sur la biodiversité et les paysages
Les protocoles de suivi de l’impact des éoliennes sur les espèces protégées doivent être précisés dans le dossier d’évaluation environnementale et, le cas échéant, dans la demande de dérogation. Les suivis des incidences sur la biodiversité doivent être effectués tous les trois ans, et rendus publics (via l’exploitant du parc ou les services de l’État) car le suivi actuel tous les dix ans n’est pas suffisant pour identifier les incidences.
Afin de combler le déficit de connaissances à l’échelle nationale et le manque d’études de données croisées sur l’aspect biodiversité, ainsi que le manque de recul sur les incidences avérées ou non du développement de l’énergie éolienne sur l’environnement, France Nature Environnement demande la création d’un observatoire de l’éolien, national et décliné en région. Cet observatoire regrouperait toutes les données de tous les parcs en projet et en activité (données de production, études d’impact, mesures de suivi, mortalité…) et participerait à une meilleure appropriation des enjeux par l’ensemble des acteurs.
La logique de la séquence ERC (Éviter – Réduire – Compenser) doit s’appliquer rigoureusement dès la recherche du site d’implantation. Les parcs éoliens doivent prioritairement être implantés dans les zones à moindres enjeux pour la biodiversité. La réglementation interdit déjà l’installation de parcs dans les sites à protection environnementale forte. France Nature Environnement recommande non seulement de s’en tenir éloigné mais aussi d’éviter systématiquement les zones suivantes : les sites Natura 2000 et les Zones de Protection Spéciales désignés pour les oiseaux et leurs environs, les ZNIEFF 1[5] concernées par les chiroptères, les zones humides, les couloirs de migration et zones de chasse d’espèces vulnérables bien identifiés. Les incidences cumulées doivent être rigoureusement évaluées.
[5] ZNIEFF : Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique
3. Impliquer la population
Mieux concerter et faciliter l’implication des collectivités et des citoyen·nes dans la gouvernance des projets relève du bon sens. La concertation avec les populations riveraines à une échelle territoriale pertinente doit toujours être engagée très en amont du projet. Le porteur de projet et les élu·es des collectivités territoriales concernées doivent être considérés comme solidairement responsables de la mise en œuvre de cette concertation. Les projets participatifs, notamment les projets « citoyens » ainsi que les projets avec implication des collectivités dans l’investissement sont à promouvoir. France Nature Environnement souhaite que tous les projets de parcs fassent au moins appel au financement participatif, et que les collectivités et citoyen·nes participent à la gouvernance des projets.
4. Mettre les projets éoliens au service de la transition écologique des territoires
L’exploitation d’un parc éolien débouche sur le versement de taxes fiscales aux communes et intercommunalités. Le produit de ces taxes ne doit pas être considéré comme une recette fiscale habituelle, mais comme un produit destiné à la transition écologique (rénovation énergétique des bâtiments, production d’énergie renouvelable locale, mobilité durable, transition agricole, accompagnement des acteurs du territoire…) pour des motifs de transparence vis-à-vis du public et des entreprises. France Nature Environnement recommande que les projets éoliens s’inscrivent dans un projet global de transition énergétique du territoire au niveau d’une intercommunalité et comprenant donc des actions fortes de réduction des consommations d’énergie.
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