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Viande végétale : ces « Nouveaux fermiers » de Xavier Niel qui irritent les paysans français (source Marianne)

Santé-Ecologie
Publié le 15 mai 2021

Xavier Niel a réussi la prouesse d’unir la FNSEA et la Confédération paysanne, les sœurs ennemies, contre lui. Opposées sur tout, les deux organisations font bloc contre Les Nouveaux Fermiers, le dernier joujou du milliardaire qui veut remplacer la viande animale par des substituts végétaux.

« Le plus grand campus agricole du monde » promet sur son site web, Hectar qui ouvrira prochainement ses portes. Sa fondatrice, Audrey Bourolleau, l’ex-conseillère agriculture d’Emmanuel Macron voit grand : 400 hectares dans les Yvelines, 2 000 élèves formés gratuitement par an. Ce petit côté École 42, l’école des startupers et des codeurs fondée par Xavier Niel, ne doit rien au hasard. Fort de 49,9 % des parts d’Hectar, le patron de Free continue, via ce campus, de creuser son sillon dans le secteur de l’alimentation.

Avec Les Nouveaux Fermiers, qui se proposent de remplacer la viande animale par des substituts végétaux fabriqués en laboratoire, Xavier Niel y a déjà fait une entrée très remarquée. Ses produits consacrent de fait la fin d’une chaîne alimentaire reposant sur du vivant. Cette viande végétale ou de synthèse, s’étale, d’ores et déjà, dans les rayons de 250 Monoprix, d’une centaine de Carrefour Market ou à la Grande Épicerie du Bon Marché à Paris. Le tout empaqueté dans un marketing visant les millenials et suivants : ses « steaks » et ses nuggets consomment 11 fois moins de CO2 et dix fois moins d’eau que la viande animale. Une affirmation impossible à vérifier sur le lieu de l’usine : son emplacement est tenu, selon la société, « secret pour des raisons de confidentialité ».

UNE LEVÉE DE FONDS DE 3 MILLIONS

Quand l’agriculture naturelle se bat pour imposer la transparence, cette entreprise, qui se veut révolutionnaire, plonge dans l’opacité. L’actionnariat est lui aussi tenu secret. On sait seulement que les créateurs, Guillaume Dubois et Cédric Meston, ont levé 3 millions d’euros, au début de 2020, auprès du cofondateur de Sushi Shop, Adrien de Schompré, de Philippe Cantet, l’ancien directeur d’Innocent en France, et du fonds d’investissement de Xavier Niel.

Autre signe d’opacité : les statuts de l’entreprise laissent supposer que ce sont les actionnaires de l’ombre qui détiennent le pouvoir effectif. Son président, Guillaume Dubois, ancien de McKinsey, a besoin de l’accord des trois quarts des associés pour « lancer un nouveau produit, contracter un emprunt, acheter une société, prendre une participation, embaucher un salarié » (article 14-2 des statuts). Comment expliquer une telle mise sous tutelle ? L’entreprise possède-t-elle des secrets de fabrication dont la divulgation représenterait un danger ?

Le secteur dans lequel elle opère est en tout cas jugé stratégique par les multimilliardaires. Bill Gates a lancé Beyond Meat, le géant de la viande végétale, et convaincu Burger King et KFC de vendre ses faux nuggets. Richard Branson a aussi investi dans Impossible Foods. Une étude du cabinet de conseil américain A.T. Kearney, sur laquelle ces géants ont construit leur stratégie, assure qu’en 2040, 60 % de la viande que nous mangerons ne sera plus issue d’animaux. Ce qui sera certain si on ne laisse pas d’autre choix aux consommateurs.

OPA SUR LA VIANDE

« Comment peut-on croire à l’honnêteté de certains “milliardaires du numérique” initiateurs du référendum d’initiative populaire pour les animaux qui, se drapant publiquement de vertu pour la cause animale, cherchent en réalité à réaliser une OPA sur la viande ? » s’interroge la FNSEA. « Ces acteurs de l’agrobusiness vendent un imaginaire autour du produit local, du fermier, du travail paysan, déconnecté de leurs réelles pratiques » renchérit la Confédération paysanne qui a décidé d’agir en justice. Le syndicat a déposé plainte pour « délit de tromperie et pratiques commerciales trompeuses ».

La représentation nationale s’est aussi émue. Julien Dive, député LR de l’Ain, a lancé à Xavier Niel : « Vous prônez d’un côté l’arrêt de l’élevage à travers un référendum et vous vous positionnez sur un marché qui sera bien aidé par l’arrêt de l’élevage. Les agriculteurs sont inquiets. Monsieur Niel, considérez-vous que l’agriculture est un secteur d’avenir ? »

Et Jérôme Nury, député LR de l’Orne, d’ajouter : « Votre engagement personnel dans une start-up qui vise à faire manger de la viande de synthèse est totalement terrifiant. Votre groupe et vous-même donnez l’impression d’être une entreprise totalement “start-up nation” tournée vers les grandes métropoles et ceux qui s’épanouissent dans les villes mondes. »

DE LA PROMO ET RIEN D’AUTRE

Interloqué, Xavier Niel s’est contenté de leur répondre sur un ton très sibyllin : « Je mange de la viande mais pourquoi pas celle qui vient des Nouveaux Fermiers ? Je suis le fils de parents qui viennent de Normandie et d’Albi. » Contactée, l’entreprise n’a pas souhaité répondre, assurant que « les fondateurs préfèrent réaliser des interviews avec des focus produits. » Bref, faire de la promo et rien d’autre.

Le monde agricole a en tout cas bien compris le danger. « On fait passer des usines pour des fermes en utilisant à tout-va le terme fermier » affirme la FNSEA. Il faut, selon la Fédération, imposer sans délai les décrets d’application de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires.

La Confédération paysanne réclame, elle, 12 000 € seulement de dommages et intérêts pour utilisation abusive du mot « fermier » et du mot « viande ». « Pour nous c’est une question de principe, dit la Confédération. Ne rien faire, c’est ouvrir la porte à d’autres entreprises du même type qui nous conduiront, comme les Nouveaux Fermiers, à une mort certaine. » Une caricature ? Pas si sûr : pas plus qu’il n’y a de traces de produits carnés dans les produits des Nouveaux Fermiers, il n’y a, à ce jour, de trace de paysans dans l’école Hectar.

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