Publié le 21 novembre 2024
Réunis à Bakou, en Azerbaïdjan, pour la COP 29, les dirigeants mondiaux se penchent sur les risques sanitaires que fait peser le dérèglement climatique sur la santé mondiale. Pas trop tôt : alors qu’on sait depuis des années que les maladies infectieuses et respiratoires sont amenées à se multiplier, c’est seulement la deuxième fois que le sujet est abordé à ce sommet international.
Ne l’oubliez pas : l’être humain fait partie de la biodiversité. Et n’échappe donc pas à la crise qui la menace. À quelques jours de l’ouverture de la COP 29, ce 11 novembre, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a rappelé que le bouleversement climatique en cours est « une question de vie ou de mort ». Forçant les dirigeants mondiaux, réunis à Bakou, en Azerbaïdjan, jusqu’au 22 novembre, à se pencher sur la menace sanitaire que représente le dérèglement pour l’humanité. Pourtant, malgré la nécessité, c’est seulement la seconde fois que le sujet est abordé lors d’une COP.
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Le caractère meurtrier du dérèglement est toutefois établi. Toujours d’après l’OMS, dès 2030, la crise climatique pourrait engendrer 250 000 morts supplémentaires par an. Une estimation qui pourrait être en deçà de la réalité, certains effets du dérèglement étant particulièrement complexes à appréhender. Les vagues de chaleur, les pluies extrêmes, les sécheresses… Ces événements, amenés à être de plus en plus fréquents et intenses, feront des milliers de morts dans toutes les régions du globe, promettant de surcroît d’engendrer épidémies et famines. Alors que les émissions de CO2 issues de la combustion des énergies fossiles atteindront encore un record cette année malgré les alertes, de nouvelles causes de morts augmenteront inexorablement dans les années qui viennent.
Chaleur mortelle
La France l’a douloureusement compris lors de la canicule de 2003 : les températures excessives peuvent en soi se révéler meurtrières. Autour de 15 000 morts excédentaires ont été recensées cet été-là. Depuis, les victimes de la chaleur s’accumulent. Les canicules sont même les évènements climatiques extrêmes associés au fardeau humain le plus élevé en France métropolitaine, d’après un rapport de Santé Publique France paru l’an dernier.
Et même hors des épisodes caniculaires, les fortes températures comportent des risques importants : pendant les périodes estivales de 2014 à 2022, près de 33 000 morts sont attribuables à la chaleur entre le 1er juin et le 15 septembre de chaque année, dont 23 000 de personnes âgées de 75 ans et plus.
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En août, l’OMS évoquait 489 000 décès liés à la chaleur enregistrés chaque année entre 2000 et 2019, dont 175 000 en Europe. Ainsi, le nombre de plus de 65 ans morts à cause de la chaleur a bondi de 167 % dans le monde depuis les années 1990. Et, pour ceux qui douteraient encore de la responsabilité des activités industrielles, des travaux de recherche récents attribuent 37 % des décès liés à la chaleur au changement climatique induit par l’homme.
De quoi meurt-on lorsqu’il fait trop chaud ? Une chaleur excessive peut entraîner des troubles rénaux, des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiovasculaires et respiratoires, des défaillances d’organes et parfois la mort. Ce risque concerne désormais la plupart des pays, exceptés sans surprise ceux les plus au Nord et les plus au Sud, dans lesquels la hausse du mercure reste encore en dessous des températures dangereuses pour l’organisme. Plus de 70 % de la population active mondiale est ainsi exposée à une chaleur excessive.
Catastrophes multipliées
Les récentes inondations en Espagne en sont la preuve irréfutable : les événements extrêmes sont de plus en plus meurtriers, et concernent globalement toutes les régions du monde. Il peut s’agir de tempêtes dévastatrices, de glissements de terrain… Si les précipitations extrêmes font de plus en plus de victimes, elles ne sont pas les seules catastrophes à se montrer meurtrières. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis et Cuba gèrent encore les conséquences de récents ouragans, notamment l’ouragan Milton qui a causé plus de dix décès.
Autre chiffre : 45 000 morts ont été causées par des inondations, des tempêtes, des vagues de chaleur et de froid, des incendies de forêt et des glissements de terrain entre 1980 et 2021 en Europe, d’après des chiffres publiés par l’Agence européenne de l’environnement en juin 2023 – qui n’incluent pas les décès provoqués par les vagues de chaleur.
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Si les pays les moins développés font souvent face à un risque multiplié, notamment du fait d’une inadaptation des infrastructures urbaines aux aléas climatiques, le bilan espagnol de plus de 220 décès montre que ce risque doit prendre en compte partout à travers le monde.
Paradis à microbes
Un monde plus chaud, parfois plus humide, est un paradis pour virus, bactéries et parasites. Résultat : la propagation plus importante de maladies infectieuses et parasitaires. En cause notamment, l’élargissement des zones de présence d’oiseaux ou mammifères, mais surtout de moustiques, capables de transmettre des virus (dengue, chikungunya, Zika, virus du Nil occidental…), des bactéries (peste, maladie de Lyme…), ou des parasites (paludisme…). Ces maladies, dites vectorielles puisque transmises par un « vecteur », sont déjà responsables de plus de 700 000 décès par an. Bilan qui risque d’augmenter.
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L’augmentation de la température à elle seule a accru le potentiel de transmission mondial du moustique tigre, vecteur de la dengue, de 42,7 % entre les années 1950 et les années 2010, selon la revue scientifique The Lancet. Et 2023 a enregistré plus de cinq millions de cas de dengue, transmis par ce moustique, un nouveau record. D’autant plus que les fortes pluies, voire les inondations, peuvent être une aubaine pour le moustique tigre : elles peuvent laisser des eaux stagnantes, favorables à sa reproduction et donc à sa prolifération.
Ces eaux stagnantes sont d’ailleurs le deuxième vecteur de l’explosion du risque infectieux, puisqu’en plus d’être une couveuse à moustiques, elles peuvent devenir des réservoirs à maladies transmissibles – le choléra, la typhoïde et la diarrhée. Les pays à faible revenu et les petits États insulaires en développement (PEID) en subissent les répercussions les plus graves pour la santé, les mesures sanitaires y étant plus complexes à établir, et les réseaux d’assainissement y étant bien moins sécurisés.
Les famines de plus en plus répandues
Sécheresses, inondations et autres phénomènes météorologiques extrêmes accroissent le risque de famines. Déjà, parce qu’ils diminuent les rendements agricoles, voire ravagent des cultures, privant les populations de ressources alimentaires. Ensuite, parce qu’ils abaissent la qualité de récoltes et de denrées alimentaires et rendent ainsi plus fréquentes les maladies hydriques et alimentaires. Au total, 600 millions de personnes souffrent de maladies d’origine alimentaire chaque année, 30 % des décès d’origine alimentaire concernant les enfants de moins de cinq ans, d’après l’OMS.
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Ainsi, en 2020, 770 millions de personnes ont souffert de la faim, principalement en Afrique et en Asie, bilan qui devra augmenter dans les années qui viennent, le dérèglement climatique exacerbant les crises alimentaires et nutritionnelles.
La pollution de l’air
Là aussi, difficile de trouver des régions du monde complètement épargnées, même s’il est désormais évident que les grands centres urbains et industriels sont les plus concernés par cet autre meurtrier climatique : la pollution. Cette dernière est en effet accentuée par le changement climatique, et accroît le risque de maladies respiratoires, d’accidents cardiovasculaires, de diabète ou de cancers. Au point, d’après certains experts, de se révéler aussi dangereuse, voire davantage, que le tabac ou l’alcool.
Près de 99 % de la population mondiale respire un air dépassant les limites fixées par l’OMS. Début novembre, Lahore la deuxième ville du Pakistan, a enregistré une concentration de microparticules PM2.5 dans l’air plus de 40 fois supérieure au niveau jugé acceptable par l’OMS.
Notable lors des pics de pollution, l’effet sur la santé est d’autant plus grand que l’exposition existe à long terme. Plus de sept millions de décès prématurés sont, selon l’OMS, provoqués par la pollution de l’air chaque année dans le monde, pollution qui provoque aussi des naissances avant terme et un faible poids à la naissance.
Lueur d’espoir, le nombre de personnes tuées par la pollution atmosphérique générée par les énergies fossiles a baissé d’environ 7 % dans le monde entre 2016 et 2021, « essentiellement grâce à la fermeture de centrales à charbon », d’après un rapport de The Lancet. Encore léger pour assurer le salut de l’humanité.
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