Manger juste, bon et local en 5 leçons

Santé-Ecologie Ustaritz
Publié le 10 juin 2020

Agriculteur, restaurateur, distributeur… chacun d’eux représente un maillon de la chaîne alimentaire et livre ses propositions pour combattre la malbouffe. Par Anthony Cortes et Géraldine Meignan (Marianne)

LA RESTAURATRICE

PROPOSITION

S’imposer le devoir d’acheter local

L’alimentation comme créateur de lien. Jamais la devise de Vanessa Krycève ne s’est autant vérifiée que durant cette crise sanitaire. Dès le début du confinement, avec ses équipes de la Table du Recho, restaurant parisien engagé et solidaire installé dans l’ancienne caserne Exelmans, cette trentenaire a participé activement à l’initiative des chefs de la communauté Ecotable pour nourrir les soignants. Ensemble, ils ont rallumé les fourneaux d’une cuisine collective mise à leur disposition par des mécènes et des partenaires, et ont fourni 800 repas par jour aux soignants.

« On a voulu créer une chaîne vertueuse, qui consistait autant à nourrir sainement les gens qu’à soutenir nos producteurs, respectueux du vivant », décrypte Vanessa Krycève. Ensemble, ils ont fait la démonstration que l’on pouvait offrir, en restauration collective, une alimentation bio, locale et durable avec un coût matière limité à 2,70 € par repas. « En tant que restaurateur, on a un devoir. Celui de redonner aux gens la compréhension du vrai coût et du vrai goût de l’alimentation », poursuit Vanessa Krycève. Cuisiner ensemble pour restaurer le monde, c’est aussi prendre soin de notre planète. « Il n’y a pas de social sans écologie », met-elle en garde.

L’AGRICULTEUR

PROPOSITION

Ouvrir des écoles d’agriculture de terrain

Henri Derepas est un pionnier de l’agriculture biologique. Maraîcher et oléiculteur installé sur 7 ha à La Trinité, à une quinzaine de kilomètres de la Promenade des Anglais, il s’est converti dès la fin des années 1980. Un parcours sans fautes, sauf que, à 61 ans, il n’a toujours pas trouvé de successeur. « On ne peut pas parler d’alimentation si on ne s’intéresse pas aux femmes et aux hommes qui la font », prévient-il. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les candidats à la reprise ne courent pas les rues. « Il s’agit souvent de quadras en reconversion. Le problème, c’est qu’il faut dix ans pour apprendre ce métier ! », s’emporte le maraîcher, qui a les mains dans la terre depuis l’âge de 15 ans. Pour assurer le renouvellement des générations chez les agriculteurs, Henri Derepas propose de créer, en complément des lycées agricoles, de véritables « écoles de terrain », avec un tiers d’apprentissage en classe, deux tiers dans les fermes. « Aujourd’hui, les jeunes inscrits dans les lycées partent en stage sur le terrain pendant une semaine pour revenir trois mois plus tard, déplore-t-il. Ce n’est pas à ce rythme qu’ils vont pouvoir prendre la mesure de l’effort, des contraintes et des risques du métier. »

LA CONSOMMATRICE

PROPOSITION

Faire des étiquettes plus lisibles

Florence Hirondel est une consommatrice engagée et sensible à tout ce qui touche à la transition écologique. Et pourtant. Cette consultante a le sentiment de ne pas en faire autant qu’elle le voudrait. Question de temps.

De choix aussi. « Aujourd’hui, manger sain, durable et éthique demande des efforts. Il faut passer du temps à se renseigner soi-même sur les fruits et légumes de saison, à déchiffrer les étiquettes pour connaître l’origine des aliments, à chercher de nouvelles recettes qui incluent moins de viande… »

C’est compliqué aussi parfois de se faire une opinion définitive sur l’alimentation. Par exemple, lorsqu’il s’agit de faire la part des choses entre un produit cultivé localement en agriculture raisonnée et un produit bio emballé dans du plastique, importé du bout du monde. « J’aimerais changer mes habitudes alimentaires, mais, parfois, je suis perdue, et je choisis du coup l’option la plus simple. » Au fond, Florence Hirondel aimerait que les commerces alimentaires accompagnent davantage les consommateurs dans leur transition : « Ils pourraient, par exemple, mieux mettre en valeur les fruits et légumes de saison et les produits d’origine locale, et proposer des idées de recettes directement dans les rayons. »

LE DISTRIBUTEUR

PROPOSITION

Proposer des parts du supermarché à tous

En 2016, une simple idée est devenue le pari d’une vie. Celle de faire « consommer autrement ». Depuis, avec Inès Valette, son acolyte dans cette aventure, Sonia Durand se consacre à cet « enjeu social » par le biais du supermarché coopératif Le Chaudron, dans les Yvelines. Le concept : pour profiter des produits « locaux et responsables » de l’établissement, les coopérateurs doivent souscrire à des « parts » et s’engager à participer à la vie du commerce. « Trois heures toutes les quatre semaines, explique-t-elle. A la caisse, à l ‘accueil ou à la livraison, par exemple. » Pas de bénéfices, les recettes sont directement utilisées pour refaire les stocks ou équiper le magasin. « Il faut décomplexer l’engagement, que les pouvoirs publics soutiennent davantage les initiatives de ce type. Tout en rassurant les supermarchés traditionnels : nous ne sommes pas des concurrents, il y a de la place pour tout le monde. » Le but : créer un mouvement « sain », en envisageant, par exemple, la consommation « comme un acte solidaire ». « Quand vous vous promenez dans nos rayons, vous agissez en tant que membre d ‘une communauté, vous pensez aux producteurs et aux fournisseurs. »

LE SYNDICALISTE

PROPOSITION

Changer les règles du commerce international

Agriculteur dans l’Yonne, Philippe Collin est aussi et surtout un homme engagé. D’abord comme porte-parole de la Confédération paysanne, de 2009 à 2012, puis en tant que président de l’ONG Agronomes et vétérinaires sans frontières. De ces différentes casquettes, il garde un œil avisé sur les défis qui attendent notre pays pour « manger juste, local et sain ». Le premier chantier, selon lui, est de « modifier les règles du commerce international » « Pour arriver à cet objectif, c’est le préalable, estime-t-il. Parce que c’est bien cela qui permet, à travers la libéralisation des échanges, d’avoir, dans son assiette, n’importe quoi, produit n’importe où et n’importe comment. » Car, il en est certain, « si l’Union européenne reste la plate-forme d’échange la plus libre du monde rien ne changera ». Il précise cependant qu’il ne doit pas s’agir de « supprimer » ces échanges, mais de les « contrôler », tout en favorisant le « circuit court ». « Il faut absolument agir en favorisant l’équitabilité des produits, précise-t-il. C’est indispensable pour avoir des échanges pertinents, qui respectent le producteur et le rémunèrent justement. »

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