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Sortir de la malbouffe : que mangerons-nous demain ? (source Marianne: Perico Legasse)

Santé-Ecologie Ustaritz
Publié le 11 janvier 2023

De toutes les nécessités vitales qui font que le monde est monde, l’alimentation est celle qui pèse le plus sur l’avenir de cette planète, puisqu’elle implique la plus massive et constante de toutes les consommations. Huit milliards d’habitants, cela suppose 24 milliards d’actes alimentaires par jour. Il va en falloir, de la ressource, pour nourrir tout ce monde-là ! Au contraire d’autres nécessités premières comme l’énergie, les transports, le vêtir, l’habitat, qui peuvent se fractionner, l’alimentation ne s’interrompt qu’en provoquant la mort. Elle peut être rationnée, quantifiée, mais en aucun cas reportée. Si nous ne trouvons pas très vite une solution à l’équation qui lie démographie et ressources planétaires, il se peut que, dans un siècle ou un demi-siècle, la vie sur la Terre vire au cauchemar. Creuser sa tombe avec ses dents ne consiste plus seulement à sombrer dans l’excès de bouffe – et de malbouffe – mais à oblitérer l’avenir en laissant croître une demande bientôt incompatible avec l’offre.

SORTIE DE L’IMPASSE

Conscientes des conséquences prochaines de l’incurie du système actuel, 100 firmes agroalimentaires rassemblées dans une « veille des innovations alimentaires » ont décidé de lancer le projet « Pour nourrir demain »*. Réparer les dégâts infligés par le consumérisme néolibéral (dont ils se sont un peu nourris) et se creuser la tête pour sortir de l’impasse annoncée avec des aliments adaptés aux exigences futures, tel est le credo déployé par ces firmes qui interpellent la société en posant cette question : « Que mangerons-nous en 2033 ? » Ainsi, Ovation Foods propose des bâtonnets de poulet en sachet enrichis de choline afin d’améliorer les fonctions cognitives du cerveau. Pour remplacer le foie gras et évacuer la polémique animaliste, Jay & Joy propose du « Joie Gras », un ersatz (sans soja ni lactose) à base de noix de cajou et de crème de riz bio ayant la saveur et l’aspect de la denrée festive. Tournée vers les vertus du milieu marin, réelles et innombrables, la marque Nüri se lance dans la production de croustilles à la spiruline, crackers en forme de chips ou de biscuit apéritif obtenus à partir d’une substance contenue dans les algues. La société Nature et aliments opte, quant à elle, pour de la pâte à tartiner bio en poudre, que l’on prépare soi-même à la maison en deux minutes avec un verre d’eau, à moins que l’on ne préfère l’omelette individuelle congelée, mise au point par Paysans bretons, pour finir par le Lupi coffee, café à base de graines de lupin, pour ceux qui veulent éviter la caféine. Voilà quelques-unes de la centaine d’idées gadgets plus ou moins durables lancées et annonçant ce que l’on trouvera dans dix ans en grandes surfaces. Réponse le 31 janvier 2023 lors d’une grande opération de com pour le lancement de la « capsule temporelle ». Que penser d’une telle initiative ? S’agit-il de retrouver les parts de marché perdues en créant de nouveaux besoins conformes aux codes de l’« écologie financière », ou est-ce une démarche sincère ? Observons.

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L’oracle menace et tout le monde s’inquiète. Et si les grandes instances internationales et les puissances qu’elles représentent, obsédées à juste titre par les enjeux climatiques, s’en tiennent à une série de COP dont les promesses n’engagent que ceux qui y croient, viendra le moment où elles devront gérer des tragédies bien plus terribles. Car la malbouffe n’est ni un ouragan, ni une sécheresse, ni un glissement de terrain, mais un fléau permanent témoignant des ravages d’une surconsommation alimentaire globalisée. Sans parler de l’eau, sans laquelle tout meurt, il est urgent que les trusts céréaliers intègrent que le maintien de leurs schémas économiques des années 1980, issu d’un alignement sur un productivisme destructeur, ouvrira les portes de l’enfer. L’avenir ne se fera certes pas sans eux, ni sans leurs productions à grande échelle, dont dépend la survie de l’espèce humaine, mais certainement pas avec le discours actuel. Car s’il s’agit d’affirmer que l’on pourra nourrir 10 milliards d’habitants grâce à des technologies permettant de décupler sans cesse les performances des cultures intensives de céréales, alors le chaos surgira au bout de l’épi de blé. La céréale sera le premier aliment à sauver le monde, et, sans céréaliers, pas de céréales. Surtout à cette échelle. Mais il va falloir repenser la production en la fragmentant et en la territorialisant. Et si le pain est depuis toujours le symbole de la vie, et de la survie en cas de crise, cette réalité sera encore plus implacable demain. Qui est donc le héros du jour, ce soldat qu’il convient de sauver pour préserver les champs de blé français et les moulins qui le meulent, ce patriote dont le pays a besoin pour rester lui-même, cet artisan dont le village et le quartier ont besoin pour préserver leur vie sociale, ce marchand de pain dont le peuple a besoin pour se nourrir, sinon le boulanger ?

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Puisqu’il faut repenser notre façon de rouler, de nous chauffer, de nous vêtir, en gros de consommer, afin d’adapter les besoins d’une humanité croissante aux ressources d’une planète donnant quelques signes d’épuisement ou de maltraitance, il convient également, et ce n’est pas nouveau, de repenser notre façon de nous alimenter. Mais attention à ne pas limiter cet enjeu à la façon de se nourrir, puisque l’acte alimentaire implique deux paramètres, le nutritionnel, certes, pour ce qui est de la fonction énergétique de la nourriture, auquel cas il suffit d’ingurgiter les calories requises par l’organisme humain, et le sensoriel, lié au goût des aliments et à notre capacité à le capter.

ÉVEIL SENSORIEL

Pourquoi est-il essentiel que les aliments aient du goût au moment de repenser ce que l’on mange ? Parce que le goût permet de cibler en priorité les aliments qu’il est plaisant de consommer, à condition qu’ils soient sains, propres et justes, donc respectueux de la santé, de l’environnement et du producteur, mais aussi d’orienter ceux qui, conscients de la nécessité de repenser le contenu de l’assiette, sauront donner du sens à cet acte vital. Cependant, pour séduire une papille, encore faut-il qu’elle sache distinguer une saveur d’une autre, ce pour quoi il convient de l’éduquer. Promouvoir un aliment sur la seule base de ses qualités gustatives ne suffit pas pour relever le défi, car le potentiel d’arômes artificiels dont dispose – et abuse –, à très grande échelle, le lobby agroalimentaire est tel que tout espoir est voué à l’échec.

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Aussi est-il essentiel que la jeunesse soit initiée à l’éveil sensoriel en milieu scolaire. On pourra imaginer toutes les solutions et redoubler de génie dans l’innovation, si le consommateur ne sait pas goûter, les marchands de mensonges alimentaires pourront continuer à sévir.

* pour-nourrir-demain.fr

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